Aujourd’hui, pas de conseils.
Pas d’analyse de l’amour moderne, pas de psychologie des relations.
Aujourd’hui, j’aimerais simplement parler d’une femme.
Elle s’appelait Anaïs.
Elle avait 44 ans.
Elle était sage-femme.
Et ce matin, j’ai appris qu’elle est morte, des suites d’une longue maladie.
Je l’avais accompagnée pendant plusieurs mois, jusqu’à ce qu’elle décide de mettre notre travail en pause, au moment où la maladie a pris le dessus.
Depuis, j’espérais de ses nouvelles.
Ce matin, j’ai appris qu’elles ne viendraient plus.
Anaïs, c’était une femme solaire.
Le genre de personne qui entre dans une pièce et qui, sans rien dire, apaise tout le monde.
Elle souriait souvent — même quand ça n’allait pas.
Pas par façade, mais parce qu’elle choisissait la lumière, encore et encore.
Elle m’avait raconté son métier avec une passion rare.
Faire naître des enfants, accompagner la vie.
Elle savait ce que c’était, la fragilité. Elle la voyait tous les jours.
Et malgré tout, elle croyait profondément en la beauté du monde.
Elle rêvait d’amour.
Elle rêvait d’avoir un enfant.
Mais elle doutait. Beaucoup.
Elle me disait :
“J’ai confiance en moi dans mon travail, dans mes amitiés…
mais pas tellement dans l’amour.”
Elle se trouvait “en retard”.
Elle disait : “À 41 ans, célibataire, ce n’est pas très glorieux… j’ai dû rater quelque chose.”
Et pourtant, quand elle parlait, tout en elle respirait la vie, la douceur, la bonté.
C’était une femme exigeante, lucide, drôle, un peu dure envers elle-même — mais d’une grande délicatesse.
Elle avait traversé des périodes compliquées.
Des rencontres sans suite.
Des espoirs déçus.
Et malgré tout, elle gardait cette foi tranquille :
celle qu’un jour, quelque chose de beau finirait par arriver.
Je me souviens qu’à chaque séance, elle riait.
D’un rire clair, sincère, un peu pudique.
Même quand elle parlait de ses peurs.
Elle avait cette manière rare de rester tournée vers la vie, même quand elle doutait d’elle.
Ce matin, quand j’ai appris sa mort, j’ai ressenti un vertige.
Une profonde tristesse.
Et un mélange étrange de colère et de gratitude.
Colère, parce que c’est injuste.
Parce qu’il y a des gens qui mériteraient cent ans de vie — et Anaïs en faisait partie.
Gratitude, parce que j’ai eu la chance de la croiser.
Et de voir, à travers elle, ce que c’est, l’espérance.
Pas celle qui fait du bruit,
mais celle qui continue de briller, même quand la nuit tombe.
Si j’écris cette lettre aujourd’hui, c’est pour deux raisons.
La première, c’est pour lui rendre hommage.
Parce que sa lumière mérite de rester quelque part.
Parce que certaines personnes continuent d’exister tant qu’on parle d’elles.
Et parce que, pour être honnête, je ne sais pas comment faire autrement.
Et la deuxième, c’est pour nous aider à relativiser.
Parce que des nouvelles comme celle-ci t’obligent à remettre les choses en perspective.
Nos petites contrariétés, nos frustrations, nos “il n’a pas répondu à mon message”…
tout ça, face à la fragilité de la vie, devient soudain si dérisoire.
Anaïs nous rappelle — sans le vouloir — qu’il faut aimer pendant qu’on peut,
dire merci, respirer, rire, pardonner.
Ne pas oublier la chance que c’est, simplement, d’être là.
Anaïs m’a appris ça.
Sans le dire, sans le formuler.
Par sa façon d’être.
Par sa douceur, son humour, sa joie discrète, même dans les moments difficiles.
Ce soir, je penserai à elle.
À son rire.
À sa bonté.
Et à tout ce qu’elle laisse derrière elle :
beaucoup de lumière,
et l’envie d’aimer la vie, coûte que coûte.
Antoine Geraud
Je n'aimais que le vent,
Je n'aimais qu'une rose,
et le vent en soufflant,
A fait mourir la rose,
Et la rose en mourant
A parfumé le vent.
André Chelon
Vous nous avez si bien decrit le parfum d'Anaïs, Antoine, qu'il embaume ... j'imagine très bien Anaïs...et oui c'est très triste 😥
Merci Antoine pour ce très bel hommage.
La vie est fragile.
Que son âme soit apaisée .